¡Visca Catalunya lliure!
Les récents événements en Catalogne m’ont irrésistiblement fait penser à l’histoire de la grenouille dans l’eau froide. Vous connaissez la suite.
Et aussi à La stratégie du choc, celle qui se met peu à peu en place dans nos contrées européennes.
Au début, je n’avais pas d’idées préconçues sur l’indépendance ou pas de la Catalogne, même si j’ai eu quelques copains qui se revendiquaient calatans : justement, je pensais que c’était à eux de décider, et que ça ne me concernait pas. Je ne suis ni catalane, ni espagnole. Après tout, qui sommes-nous pour dire aux catalans ce qu’ils doivent décider ?
Mais comme tout le monde, j’ai assisté à la répression féroce des électeurs pacifiques qui tentaient juste d’aller voter…
Et puis, j’ai vu les réactions de la « communauté internationale » : Macron, Trump, Juncker, Merkel… et même celles, entre deux eaux, des liders de la gauche dite radicale, comme Iglesias ou Mélenchon… qu’on a connu avec une vision politique plus affûtée. Mais passons.
J’ai lu les articles de la presse vendue aux milliardaires dont l’unanimisme anti indépendantiste m’a paru très sujet à caution, pour ne pas dire franchement suspect.
D’aucuns prétendaient que la seule raison d’un vote indépendantiste serait la volonté de ne plus être « solidaire » des autres régions. Une explication un peu simple, voire simpliste.
Car pour la Catalogne, l’écart de PIB (avec l’Espagne) n’est que de 20 % : dans le cas d’une éventuelle indépendance, le bénéfice serait nul, l’Etat catalan devant supporter des coûts d’entretien et de gestion qui ne lui incombaient pas auparavant. Les gens n’agissent-ils qu’en fonction de leur portefeuille ? Franchement, ça m’étonnerait beaucoup.
D’autres parlaient « d’unité nationale », et de frontières prétendument intangibles (à croire que les nationalistes n’étaient finalement pas ceux qu’on croyait), ce qui est parfaitement ridicule, quand on regarde le passé : dans ce cas, il faudrait donc rendre l’Ukraine, l’Estonie, et les autres pays baltes à la Russie, et reconstituer la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie…et même pourquoi pas, recoloniser les pays d’Afrique. Par exemple.
Certains ont même osé écrire que les indépendantistes catalans seraient animés de « l’intention » de « rejouer la grande scène de la martyrologie républicaine… »
Coco, tu sais ce qu’ils te disent, les martyrs républicains ?
Alors, j’ai cherché. J’ai tenté de comprendre. Et l’histoire de la Catalogne est instructive.
Petite chronologie explicative :
En 1931, avec la chute du roi Alphonse XIII, trois jours d’espoir. Quelques heures avant la proclamation de la Seconde République espagnole, à Madrid, un leader du parti indépendantiste catalan proclame de son côté la « République catalane dans une fédération de républiques ibériques », ainsi que précédemment négocié avec les groupes républicains espagnols. Mais l’Espagne se dédit … et ne concède à la Catalogne qu’un certain degré d’autonomie : la Catalogne reprend le nom médiéval de Generalitat. Le statut de la Catalogne est adopté le 15 juin 1932 par le parlement espagnol, et lui accorde les institutions auxquelles elle aspirait depuis un siècle, dont la « Generalitat » (l’exécutif catalan) ce qui était parfaitement compatible avec la Constitution espagnole de l’époque. Entre 1931 et 1940, la Gauche républicaine en Catalogne a par ailleurs développé un programme social et culturel avancé.Mais en 1934, nouvelle crise : le président de la Generalitat proclame l’Etat catalan de la République fédérale espagnole. Il est arrêté, et condamné à trente ans d’emprisonnement. Le couvercle retombe sur la Catalogne, qu’on enferme une nouvelle fois : le statut d’autonomie est suspendu, et les maires désormais nommés par le gouvernement espagnol.
En 1935, Josep Sunyol dirige l’Esquerra Republicana (la Gauche républicaine) et fonde l’hebdomadaire La Rambla, dont l’objectif clairement affiché est d’unir sport et citoyenneté. Il sera nommé président du Barça. Et fusillé peu après par les troupes franquistes.
La guerre civile espagnole, de 1936 à 1939, qui opposait les partisans du général Franco aux républicains démocratiquement élus, s’est également révélée être une guerre contre la Catalogne, pour qui le coup d’Etat de Franco a représenté une opportunité de faire la révolution. Franco ne s’y trompera point, et la désignera comme sa principale ennemie : « Quant au sort futur de la Catalogne, il nous faut dire que c’est précisément une des causes principales de notre mouvement. Si nous abandonnions la Catalogne à son propre destin, elle deviendrait un grand danger pour l’intégrité de la Patrie ». Dès lors, .son objectif sera clairement d’en finir avec les Catalans, derniers à lui résister, refusant de plier, encore et toujours. La chute de Barcelone, le 26 janvier 1939, signifie la fin de la fin de la Generalitat, recréée le temps de la guerre civile. La répression sera très dure, et contraindra un demi-million de Catalans à émigrer. Le président de la Generalitat sera fusillé. Près de 150 000 Catalans seront emprisonnés ou envoyés en camps de concentration, 4000 seront exécutés.
Lluís Companys, président de la Généralité de Catalogne s’exile en France, puis est livré au régime franquiste par la Gestapo, et exécuté à Montjuïc, au cri de « Per Catalunya! ». Sous le franquisme, la Catalogne perd son statut d’autonomie et la langue catalane est interdite. L’usage public de la langue catalane sera interdit, son enseignement supprimé, ses livres brûlés, la presse et les imprimeries censurées.
Ce n’est qu’en 1978, avec la nouvelle Constitution espagnole, que la Catalogne retrouve une relative autonomie politique. La Generalitat et le Parlement catalan sont rétablis. Depuis cette date, la Catalogne est considérée comme une Communauté autonome au sein de l’Espagne.
En Catalogne, on parle à la fois l’espagnol et le catalan. A l’école, on apprend les deux. La politique linguistique actuelle s’applique aussi aux Aranais, dans le Val d’Aran, au nord-ouest de la Catalogne, qui parlent l’occitan dans sa variété gasconne et dont les droits linguistiques sont reconnus et respectés.
Els Segadors est officiellement l’hymne national de la Catalogne depuis 1993.
En 1974, Jordi Pujol crée le parti Convergència Democràtica de Catalunya, pour promouvoir les droits nationaux des catalans et créer des structures économiques et financières suffisantes pour assurer le développement de la Communauté autonome. Il devient président en1980, et sera réélu pendant 23 ans, puis cède la place au socialiste Pasqual Maragall, en 2003.
C’est en 2005 que les affaires vont se corser : le gouvernement de coalition de l’époque entame le processus d’élaboration d’un nouveau Statut d’autonomie de la communauté autonome, resté inchangé pendant 25 ans. Après d’âpres discussions, il est finalement approuvé par le Parlement de Catalogne le 30 septembre 2005. Cette proposition de statut est ensuite présentée au Parlement espagnol, mais malgré les promesses du président espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, de l’accepter en l’état, le statut est substantiellement modifié, en clair, carrément édulcoré. C’est en tous cas sous cette nouvelle forme qu’il est approuvé par le Parlement espagnol au printemps 2006, et malgré tout adopté en Catalogne par referendum le 18 juin 2006.
Évidemment, beaucoup de Catalans manifestent leur mécontentement devant ces reculades. Déjà, Madrid se refuse à la moindre concession ou amélioration, ce qui rend évident le processus de recentralisation de l’État initié depuis les années 1990 par les gouvernements espagnols qu’ils soient de droite ou de gauche. C’est à ce moment là que l’indépendantisme va se développer, alors qu’il n’était que marginal auparavant.
Des élections vont suivre, en novembre 2006. José Montilla devient Président de la Generalitat. Parmi les lois votées sous son mandat : la loi pour l’éradication de la violence sexiste (en avance, les Catalans) et la loi sur l’amélioration des services sociaux.
En 2009, le mouvement social indépendantiste, favorable à l’autodétermination organise un referendum non officiel à Arenys de Munt, ville du Maresme. Malgré l’opposition du gouvernement espagnol, le mouvement organise des centaines de consultations dont une à Barcelone en 2011. Au total presque un million de personnes se sont exprimées dans les urnes ; une grande majorité en faveur de l’indépendance de la Catalogne.
Mais patatras, après quatre ans de tergiversations autour du nouveau statut voté en 2006, la Cour Constitutionnelle l’annule, purement et simplement, en le déclarant « anticonstitutionnel »… Une gigantesque manifestation de protestation a lieu le 10 juillet 2010.
En décembre 2010, Artur Mas devient le nouveau président catalan. Il revendique un nouveau modèle de financement pour la Catalogne, inspiré de celui du Pays basque et de la Navarre, et évoque l’idée d’une transition nationale de la Catalogne, unitaire et basée sur le droit à décider.
En février 2011, il obtient le règlement par l’État espagnol de sa dette de 759 millions d’euros envers la communauté catalane, mais José Luis Zapatero exige en retour des coupes budgétaires, qui débouchent sur d’importantes restrictions, la création de nouvelles taxes, l’augmentation des droits d’inscription universitaires, etc.
Créée début 2012, l’association Assemblée Nationale Catalane organise la manifestation du 11 septembre 2012. Favorable à l’indépendance de la Catalogne, elle réunit près de deux millions de participants.
Face au refus par le nouveau président de droite du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (Parti Populaire), de négocier la proposition d’un « pacte fiscal » approuvé par le Parlement catalan cette même année et face au mouvement social, Artur Mas se positionne progressivement en faveur du projet d’un État indépendant pour la Catalogne et convoque des élections anticipées le 25 novembre 2012. Elles ont comme éléments centraux le débat sur l’autodétermination et l’indépendance. La participation est de 70 % de l’électorat. Les nouveaux élus proposent un referendum d’autodétermination, prévu pour 2014.
Artur Mas est réélu fin 2012. Après l’organisation par l’Association Nationale Catalane d’une chaîne humaine de 2 millions de personnes (11 septembre 2013), il annonce, en accord avec 5 des 7 partis du Parlement de la Catalogne, la double question et la date pour le référendum d’autodétermination en décembre 2013 :
« Souhaitez-vous que la Catalogne devienne un État? Et dans l’affirmative, souhaitez-vous que cet État soit indépendant? »
La consultation est prévue pour le 9 novembre 2014, mais le gouvernement espagnol (soutenu par les socialistes) refuse d’utiliser un des articles de la Constitution qui permettrait de l’autoriser.
Depuis, c’est Carles Puigdemont qui a été élu président du gouvernement catalan à la tête d’une coalition allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, le 12 janvier 2016. Suite à une loi votée par le parlement catalan le 6 septembre 2016, les électeurs sont invités aux urnes pour s’exprimer sur l’indépendance ou non de la Catalogne, ce sera le 1er octobre 2017 …
Le gouvernement de Mariano Rajoy saisit aussitôt le conseil constitutionnel espagnol, la loi l’autorisant est suspendue et le référendum déclaré illégal.
Du coup, les 19 et 20 septembre 2017, la police espagnole saisit 10 millions de bulletins de vote ainsi que les convocations pour les assesseurs et tente en vain de mettre la main sur les urnes avant le scrutin.
Le jour du référendum, la police nationale espagnole et la Guardia Civil tenteront tout pour empêcher le scrutin. Des images de violences policières ont fait le tour du monde, et la scène internationale s’est indignée contre ces violences, sans toutefois les condamner « puisqu’il ne s’agit que de l’intervention de police sur demande de la justice ». Plus de 900 personnes seront blessées dans cette journée.
Malgré les pressions et les violences policières, les résultats du référendum sont les suivants :
Enfin, le 27 octobre 2017, le Parlement régional de Catalogne vote une déclaration unilatérale d’indépendance, et proclame la République de Catalogne.
Face à une monarchie branlante, déconsidérée, et directement héritée du franquisme, face à la corruption généralisée des politiques espagnols et en particulier du PP, et face au libéralisme triomphant, finalement, la création de la République catalane me paraît essentielle, parce que c’est un projet politique différent, un autre chemin vers plus de démocratie, et aussi parce que c’est une initiative régionale. Celle d’un peuple. Pour moi, un « peuple » n’existe que s’il se reconnaît comme tel, s’il partage une langue, une histoire, une culture, et si une majorité de ce peuple souhaite l’indépendance, en vertu du droit à l’autodétermination, il faut la lui donner.
Quand on lit les commentaires ici et là, sur la « légalité » ou non du référendum catalan, c’est à croire que nous ne nous sommes pas débarrassés de Capet il y a 250 ans.
De la différence entre la « légalité » et la « légitimité ».
Il faudrait arrêter les bla-bla de café du commerce sur « pour ou contre l’indépendance de la Catalogne ». Pour moi, la répression féroce des électeurs potentiels le 1er octobre dernier m’a ouvert les yeux : il s’agit d’un principe, celui de la défense de la démocratie. Si l’Europe est ce qu’elle prétend, alors nous devons être solidaires des catalans. Mais les oligarchies régnantes le savent bien : l’exemple catalan pourrait bien donner des idées aux autres peuples européens, et c’est à mon avis la seule raison de leur soutien sans concession au pouvoir central espagnol, malgré la répression policière, dont les images ont fait le tour du monde.
Car l’État espagnol est entre les mains du parti politique le plus corrompu d’Europe. Et la violence policière du 1er octobre dernier, dénoncée par Amnesty International, Human Rights Watch et même le Conseil de l’Europe, aurait du (normalement) outre les « réactions indignées » de ces messieurs-dames, déclencher des sanctions.
Et bien non, pas de sanctions.
Libé, journal « de gauche » a même titré : « Catalogne: aucun traité européen n’envisage l’expulsion d’un État pour avoir réprimé les électeurs ».
La « morale » de l’article en question, c’est que si c’est pas prévu dans les traités, alors on peut y aller. C’est « légal ». L’Europe dans toute sa splendeur. La presse vendue aux milliardaires aussi.
Non, pas de sanctions.
Ce bon Manuel Valls (dont on aurait pu penser que vu ses brillants résultats électoraux, il fermerait enfin son clapet) qui se prétend « fils de républicain espagnol » (pourtant baptisé en Espagne en … 1962) le frère jumeau de Sarkozy, l’as du 49.3, déclarait à la suite de la répression du 1er octobre que « personne n’était mort » et que donc, matraquer des manifestants pacifiques n’était pas si grave. Finalement. Pas loin de ce que déclarait le ministre espagnol : les images de la répression policière n’étaient de des « fake news »… Ou du déni de réalité.
Non. Pas de sanctions.
Dans une belle unanimité, tous ces beaux esprits – tous ceux qu’on lit à longueur de pages, et qu’on entend à longueur d’antenne – tellement prompts à dégainer quand des violations des droits de l’homme ont lieu en Turquie, en Russie ou au Venezuela, tous ou presque se sont élevés, non contre les violences policières et l’attitude dictatoriale du pouvoir espagnol, mais contre les « populistes », les « racistes », voire les « suprémacistes » (le mot est à la mode depuis quelque temps) catalans.
Oubliant que la monarchie espagnole – outre qu’elle fournit généreusement des armes à l’Arabie Saoudite – est corrompue jusqu’à la moelle : depuis sa restauration par Franco, selon le NYT, elle aurait accumulé des milliards d’euros dont on ne connaît pas la provenance. Selon Libé, La famille royale espagnole touche le fond. Perso, j’aurais plutôt titré qu’elle touchait des fonds…
Ben non. Pas de sanctions. A vrai dire, rien. Au contraire. Notre banquier en chef a même « apporté son soutien » à Mariano Rajoy, et au Partido Popular, dont le porte parole a carrément menacé Carles Puigdemont de mort, et lui a souhaité de finir comme Lluis Companys…
Pourquoi se gêner ? J’imagine, tiens, le porte-parole de la Maison Blanche, dire publiquement à Bernie Sanders qu’il finira comme Martin Luther King… Ou celui de l’Elysée balancer la même chose à Mélenchon .
Mais il paraît que l’Espagne est une démocratie.
D’ailleurs, le Partido Popular, dont fait partie Mariano Rajoy, c’est quoi, ça vient d’où ?
Un recyclage de toutes les élites de l’ère franquiste et de leurs descendants : par exemple, José Maria Aznar, ancien chef du gouvernement espagnol, fils et petit-fils de franquistes… et qui a désigné Mariano Rajoy (membre à ses débuts du parti Alliance populaire de Manuel Fraga, ancien ministre de Franco) pour lui succéder.
Un parti qui d’ailleurs finance la fondation Franco, toujours active, à coups de subventions. Un parti qui a fini par avoir la peau du juge Baltasar Garzon.
Vous me direz, François 1er Mitterrand allait bien mettre des fleurs sur la tombe de Pétain…Et ça, tous les ans.
Nos chers médias oublient de préciser que des sondages très récents montrent que plus de 80% des Catalans, indépendantistes ou non, veulent décider de leur propre destin lors d’un véritable référendum. Et ça s’appelle l’autodétermination des peuples, gravée dans le marbre de la Charte des Nations Unies, ratifiée par à peu près tous les pays, y compris l’Espagne.
Alors que la Grande-Bretagne a permis le Brexit, et accordé un référendum à l’Ecosse, en Espagne, ce sont les indépendantistes qu’on met en prison pour « sédition » comme les deux Jordi. Les corrompus du Partido Popular eux, sont toujours dehors malgré des centaines de cas de corruption aggravée et de détournement de fonds publics, malgré les témoins mystérieusement morts avant de pouvoir parler, et malgré le récent incendie « accidentel » au Palais de Justice de Valence, histoire d’être tranquille définitivement. Malgré la quasi totalité des ministres du PP traînés en justice, c’est pas si vieux, c’était en 2015.
Mais quand on sait que pour M. Juncker « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », on comprend bien que le droit à l’autodétermination des peuples, il s’assied dessus : ce technocrate non élu, cet inutile (un vrai, celui-là), à la solde de tous les lobbies de la terre, déclare sans rire « qu’il ne souhaite pas l’indépendance de Catalogne ». Évidemment. Comme si son avis était fondamental.
Le gouvernement espagnol a par ailleurs orchestré ce qu’il a appelé « L’Opération Catalogne » ou la sale guerre de l’Etat espagnol démarrée juste avant les élections de 2015, pour déstabiliser la classe politique catalane… Une véritable «police patriotique», destinée à enquêter et à rédiger, sans autorisation judiciaire, des rapports pour incriminer des personnalités et des élus catalans indépendantistes, le but étant de provoquer l’ouverture d’une information judiciaire et d’influencer l’opinion publique. Mariano Rajoy et ses soutiens peuvent bien blablater de « légalité » après ça.
D’autant que ce qui est « légal », c’est seulement ce que décide le Tribunal constitutionnel, non élu, et commodément composé de membres du … Partido Popular.
D’autant que la constitution espagnole pourrait être modifiée (quel texte de loi n’est pas amendable?) mais que le PP s’y refuse.
Finalement, c’est bel et bien l’attitude autoritaire de Mariano Rajoy qui a permis au mouvement indépendantiste de se développer, alors qu’il était relativement marginal il y a quelques années. Une réaction politique saine à un pouvoir central de plus en plus réactionnaire et antidémocratique.
Rappelons qu’en 2006 le Parlement catalan avait voté un nouveau statut d’autonomie (120 voix sur 135, seul le Partido Popular avait voté contre, et il ne représente en Catalogne que 8% des électeurs) afin de moderniser l’existant, issu de la constitution post franquiste de 1978. Ce statut avait été validé de manière complètement «légale et constitutionnelle » en Catalogne, et ratifié par ensuite les Cortes espagnols.
Mais le Tribunal constitutionnel, contrôlé par le PP, a bloqué ce texte pendant quatre ans, puis a pondu un texte complètement vidé de sa substance et soigneusement édulcoré : cela a permis de refuser toutes les lois un tant soit peu progressistes proposées par le parlement catalan : sur la protection des citoyens les plus vulnérables, l’égalité des sexes, la taxe sur l’énergie nucléaire, la fiscalité sur les banques, la fracturation hydraulique, la sécurité sociale, etc.
Quant aux demandes de référendum, elles ont été systématiquement refusées.
Sans même parler des pressions gouvernementales sur les banques et les entreprises, pour qu’elles déplacent leurs sièges sociaux installés en Catalogne, histoire de faire croire au monde entier que les entreprises voulaient fuir la folie des fanatiques séparatistes.
Voilà : selon la propagande officielle, la Catalogne est censée être «une région de riches égoïstes qui ne veulent plus payer pour les pauvres dans le reste de l’Espagne»…
Ce qui me fait penser à l’attitude de l’Europe entière, Allemagne en tête, face à ces feignants de grecs. Fais ce que je dis, pas ce que je fais. Voilà pour la « solidarité » à la sauce européenne.
En réalité, l’indépendance catalane n’est plus vraiment un problème d’identité régionale (comme on pourrait l’imaginer chez nous pour les corses ou de les bretons) c’est devenu une réaction politique et républicaine, face à une monarchie corrompue, à bout de souffle, réactionnaire, et pour tout dire néo-franquiste, qui voit dans les événements en Catalogne l’occasion de détourner l’attention du public, (Podemos l’explique très bien) de la corruption du PP, et ça, avec la complicité du parti socialiste espagnol, qui est bien le même que chez nous.
A la suite à la déclaration d’indépendance de la Catalogne et à la création de la République catalane, en guise de « dialogue » le gouvernement espagnol vient de mettre en place le fameux article 155 : l’autonomie de la Generalitat est suspendue, le parlement dissous, les partis indépendantistes bâillonnés, et la télé et la radio catalanes muselées, et Soraya Saenz de Santamaria, numéro deux du gouvernement espagnol, membre du PP, nommée pour remplacer Carles Puigdemont.Voilà pour la démocratie.
Cette République catalane est bel et bien une nation – c’est-à-dire un ensemble d’individus partageant une même histoire, une même culture et une même langue au sens traditionnel du terme. Mais c’est aussi l’incarnation d’un ensemble de principes universels que nous devrions tous défendre : la paix, la citoyenneté, la dignité et la démocratie.
Alors, des élections « libres » sont censées avoir lieu le 21 décembre prochain, mais les Catalans pourront-ils voter pour des partis pro-indépendantistes dont les leaders sont en prison (ou vont y aller) pour « sédition » ?
Parce que c’est la question essentielle : « Les Catalans pourront ils choisir librement leur destin ? »
Si ce n’est pas le cas, si Madrid choisit les matraques plutôt que les urnes, au moins, ce sera clair : non seulement la volonté indépendantiste se renforcera, mais l’Espagne sera définitivement (redevenue) un état policier, même si à n’en pas douter, elle continuera à bénéficier du « soutien » des oligarchies en place en Europe.
Or, cette dérive autoritaire et antidémocratique de l’Etat espagnol nous concerne tous, parce qu’à mon avis, elle est un « galop d’essai », un terrain d’entraînement, pour tester jusqu’où les gouvernements en place peuvent aller pour museler toute espèce de contestation en Europe. On le voit bien chez nous : les syndicalistes sont embastillés, les policiers auteurs de bavures relaxés, les lois antidémocratiques et antisociales votées par les députés godillots, et personne ne bouge…
La stratégie du choc se met doucement en place, avec le sourire aux lèvres et la main sur le cœur (on est pas des brutes comme Erdogan ou Poutine), et Mariano Rajoy, et avec lui nos « représentants » se gargarisent de mots, comme « légalité », « constitution », et même (sans rire) « démocratie ».
Mais les catalans vont-ils accepter sans rien dire, sans rien faire, ou allons-nous vers une nouvelle guerre civile ?
Et surtout, comme en 1936, quand les « démocraties » européennes ont pudiquement fermé les yeux sur l’écrasement de la république espagnole par les fascistes, allons-nous laisser faire ?
Serons nous du côté des adeptes de cette « Espagne » excluante, répressive, ultra conservatrice, une Espagne « une », « grande », « catholique », du côté de « l’Espagne noire », celle des Bourbons, de Franco, du nationalisme castillan, celle qui a interdit pendant des décennies l’usage de la langue catalane, qui nie toujours, et contre toute évidence, la pluri-nationalité… ?
Ou serons nous du côté de l’Espagne populaire, celle qui paye les « compromis » d’une « transition » aux conditions des vainqueurs, sans vraie rupture avec le franquisme, du côté d’un pays qui attend toujours jugement, vérité et réparation sur les crimes du franquisme, d’un pays où la jeunesse étouffe, où le « modèle » craque de toutes parts…
L’impunité, tout comme la monarchie, le néo-franquisme enkysté dans la société, la banque, l’Église, l’armée, la garde-civile, les institutions, la « loi d’amnistie » de 1977, la constitution bancale de 1978, sont verrouillés par un consensus « libéral » PSOE-Parti populaire-droite catalane.
Alors, ces médias qui hurlent à la mort lorsque l’on reparle enfin de « République », qui racolent ouvertement pour le néo-franquiste Rajoy, présenté comme un grand démocrate, « sauveur » de l’intégrité du pays, de la « légalité constitutionnelle »…,
Magnifique et salutaire analyse de la situation avec laquelle je suis en tous points d’accord !
JEAN CHERASSE
30 octobre 2017 at 16 h 05 min
idem, on est plus ou moins d’accord. je le vois plus « UE » que ça le problème. je te raconte pas les bramées sur FB genre « et l’UE de la paix entre nations dans tout ça ? » – car inutile de dire que j’y vois les effets corollaires de la démocrature union-européenne. mais c’est vrai qu’à part une vraie fédération ibérique (dans mes rêves, espèce d’helvète), qui du coup pourrait même comprendre le portugal, je vois mal sur quel plan la chose sera(it) négociable/ciée. sans bobo je veux dire. parce que c’est clair que les catalans autonomistes ne feront pas marche arrière. quant à l’atroce rajoy, on connaît la filiation franco-fraga-rajoy, je le vois pas laisser faire. et comme l’UE souffle sur les braises pour son plus grand plaisir, histoire de faire un exemple en direction de tous les autonomistes d’ici ou là (comme elle a fait un exemple avec la gauche et la grèce)… médias radio absolument inaudibles ces jours, l' »égocentrisme » des catalans allant de pair avec leur « xénophobie » et leur « national populisme ». toutefois des articles intéressants à relever : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20171028.OBS6648/catalogne-paris-et-ses-voisins-europeens-font-fausse-route.html – http://www.liberation.fr/debats/2017/10/27/democrates-contre-la-democratie_1606297 – et une chanson… https://youtu.be/nBPNVXpyT3o
zozefine
30 octobre 2017 at 16 h 33 min
Effectivement, deux articles très intéressants, merci.
Et j’ai failli mettre la chanson de Luis Llach dans mon billet, c’est bien que tu l’aies fait à ma place.
Et tiens, je mets aussi la vidéo :
Gavroche
30 octobre 2017 at 16 h 52 min
Magnifique analyse! merci
serge
30 octobre 2017 at 17 h 01 min
80,76 % de 48% des électeurs potentiels ne constitue aucunement une majorité. Bon boulot à part ça, Merci et amitiés.
Jacques Doetsch
30 octobre 2017 at 17 h 21 min
Magnifique et sévère analyse. Merci.
Jean-Marie QUÉRÉ
30 octobre 2017 at 18 h 10 min
Excellent article, tout comme celui qui se trouve dans le Monde Diplomatique de novembre.
Max Angel
30 octobre 2017 at 22 h 59 min
Une fois de plus ces événements révèlent le vrai visage de nos pseudos démocrates européens et démontrent que l’Etat de droit n’existe pas et que le concept de démocratie en Europe est des plus minimaliste. La confusion règne et elle est bien entretenue.
Point de vue des anarchistes:
http://acontretemps.org/spip.php?article644
Point de vue des communistes:
Cliquer pour accéder à catalogne.pdf
https://carbureblog.com/2017/10/11/la-catalogne-dans-le-moment-populiste/
Point de vue d’un andalou né en Catalogne:
https://nildafernandez.wordpress.com/2017/10/24/deux-mafias-reglent-leurs-comptes/
Robert Spire
31 octobre 2017 at 12 h 16 min