LES VREGENS

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Les pattes de colombe

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Ça me désole lorsque des amis et amies ressentent l’impérieuse nécessité de devoir pointer, encore une fois, les errements des manchots[1] qui nous gouvernent – ou plutôt, qui nous dirigent. Oh, bien sûr, c’est sans doute de salubrité publique, du dessillement salutaire. Quoique que peut-on y faire, à part aller épisodiquement mettre sagement des petits papiers dans des boîtes[2] en espérant que «cette fois-ci sera la bonne»? Espérant notre Tsípras ou Orbán (pour ne pas faire de jaloux) à nous, l’homme (ou la femme, suivez mon regard) providentiel(le)? Pour ma part, je vais arrêter de faire semblant d’y croire.

 

Mais je ne suis pas pessimiste ni résigné du tout, bien au contraire, j’ai amplement la patate. Pendant que d’aucuns se focalisent et s’affligent sur nos élus de pseudo-alternances qui font tous la même politique, nous enfonçant dans ce débilitant néolibéralisme qui rend de jour en jour plus apparent qu’ils se torchent le cul avec ce qu’ils nous vendent pour de la démocratie[3], cette dernière se (ré)invente ailleurs, localement, hors de leur pouvoir ou même de leur regard, sans parler de leur compréhension. Un de ces processus prend appui sur le capitalisme qui a permis sa germination, tout en s’émancipant cependant de la plupart de ses injonctions. Et ceci, paradoxalement, au sein même de ce qui fait le fer de lance du système, les… entreprises.

Ce 24 février est passé sur Arte le documentaire Le Bonheur au travail. La chaîne en a peut-être mesuré l’importance, comme je le fais, puisqu’au lieu de permettre d’y accéder à +7 jours, comme pour tout ses autres programmes, elle l’a laissé pendant +60 et il y est toujours visible pour encore une quinzaine. Si vous ne l’avez pas vu, je vous y encourage plus que vivement.

Qu’y voit-on? Des entreprises et même des administrations qui n’ont pas le fonctionnement qu’on leur suppose généralement, que celui-ci soit jugé plus ou moins bon ou agréable. Ces organismes d’un nouveau genre ont comme principales caractéristiques 1) une remise à plat (littéralement) de la hiérarchie, 2) l’absence de stratégie programmée au profit d’une évolution collective basée sur la raison d’être[4] de l’entreprise et 3) la plénitude[5] de ses employés. Tout ça donne le «bonheur au travail», ce dont témoignent à l’évidence ceux qu’on y entend.

Néanmoins, ce dernier point, qui offre son titre au documentaire, est tout à fait anecdotique – même s’il est évident qu’il est plus souhaitable d’être heureux que malheureux. Parce que ce n’est pas une énième variation de techniques de management ou une habile manipulation de l’angle alpha. C’est un nouveau paradigme d’organisation sociale qui révolutionne autant les rapports humains, professionnels, entrepreneuriaux que notre appréhension[6] du monde, et même la conception qu’on peut avoir de soi-même. C’est un véritable changement d’état de conscience comme l’a pu être le passage du mysticisme à la raison au cours du Siècle des Lumières.

Je me garderais bien de commenter davantage les implications de ce bouleversement, parce que je ne suis qu’à la moitié du livre de Frédéric Laloux, qui l’analyse finement: Reinventing organizations et qu’il faudra certainement que je relise pour comprendre tous les tenants et les aboutissants – dont il dit lui-même qu’il n’est pas sûr de mesurer complètement les caractéristiques, processus et pratiques, ni même avoir de certitude sur ses implications. Ledit ouvrage n’est pour l’instant disponible qu’en anglais, mais une traduction française est annoncée pour ce printemps. En attendant, vous avez une conférence, quoiqu’elle n’aborde que très superficiellement l’étendue et la singularité du changement en cours, donnant cependant des indices sur son originalité.

Les événements les plus importants arrivent sur des pattes de colombe

Ceux qui me connaissent savent mon attachement à une conférence que Michel Serres a donnée en janvier 2011 qui m’avait retourné le cerveau[7] où il disait: «Les événements les plus importants arrivent sur des pattes de colombe». J’ai l’heur de penser que ce qui naît dans ces organisations est bien une lame de fond, prenant de l’ampleur, qui va radicalement transformer nos sociétés de l’intérieur. Je trouve ça enthousiasmant, une lumière éclatante dans la purée de pois de nos temps troublés, pour qui a les yeux pour la voir.

Quand on vous dit ironiquement «On vit une époque formidable», prenez-le au premier degré: on vit vraiment une époque formidable. Et le plus formidable, c’est que ça n’a que peu à voir avec la technologie, l’internet ou ce genre de choses, même s’ils y ont certainement un rôle, mais celui-ci ne semble que marginal et facilitateur, voire accélérateur. L’essence réside en l’humain et sa capacité à progresser et, surtout, sa capacité à communiquer, à rencontrer.

Je suis les liens que je tisse

Avec les mots du grand Albert Jacquard: «Je suis les liens que je tisse».

↑ [1] J’aurais pu mettre «pingouins» mais ceux-ci ne sont pas, contrairement à ce que beaucoup croient, les créatures auxquelles ils veulent faire référence; et puis il faut dire que le double sens de «manchots» est très approprié ici.

↑ [2] Dans des «urnes», quel mot bien choisi puisqu’il signifie aussi et, à mon sens, surtout: «Vase qui sert à conserver les cendres des morts». Si c’est pas un indice, ça…

↑ [3] Qui n’en est pas, putain. Pourquoi oublie-t-on qu’un des principaux instigateurs de la première constitution, Sieyès, disait et répétait même: «Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants.» (Discours du 7 septembre 1789) Merde, quoi.

↑ [4] Autrement dit, la «volonté générale» de Rousseau, opposée à la «volonté de tous» qui n’est que la somme des volontés individuelles. «La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point.» (Du contrat social livre III, chapitre 15)

↑ [5] Pleinitude n.f. État de ce qui est dans sa totalité, dans son intégralité.

↑ [6] Dans son sens philosophique, du latin apprehendere ‘saisir’: «Compréhension, saisie des objets de pensée par l’esprit».

↑ [7] Enfin, «les» cerveaux, vous comprendrez si vous regardez la conférence de Laloux ou lisez son bouquin 🙂

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12 avril 2015 at 14 h 44 min

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Quelle taille a l’internet ?

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La carte des 450 millions d'adresses

Instantané de l’internet en 2012

Par curiosité, un gars s’est demandé combien de machines sur internet n’étaient pas, ou pas vraiment, protégées. Utilisant le protocole Telnet, couramment utilisé sur Unix pour faire du contrôle à distance, il a tenté un peu au hasard de s’y connecter avec simplement les identifiant/mot-de-passe « root/root », « admin/admin » et les mêmes sans mot de passe.

Il en a trouvé rapidement une tétrachiée, estimant leur nombre total à plus d’un million et demi…

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Written by gemp

23 mars 2013 at 14 h 15 min

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À ceux qui rejettent le réchauffement climatique : « Camembert »

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Adaptation de l’article « Why Climate Deniers Have No Scientific Credibility – In One Pie Chart »
par Jim Powell, auteur scientifique.

Les sondages montrent que dans le public, de nombreuses personnes croient que les scientifiques ne s’entendent pas sur l’origine humaine du réchauffement climatique. L’étalon-or de la science est la publication « évaluée par les pairs » (peer-review). En cas de désaccord entre les scientifiques, fondé non sur des opinions, mais sur des preuves tangibles, c’est dans ces publications qu’on pourra le trouver.

J’ai cherché les articles scientifiques publiés de cette manière entre le 1er janvier 1991 et le 9 novembre 2012 ayant les mots clés « réchauffement global » ou « changement climatique».

La recherche a produit 13 950 articles.

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Written by gemp

13 décembre 2012 at 18 h 17 min

Que d’eau…

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Terre, la planète bleue, de toute cette eau qui la recouvre à 70%, composante essentielle de la vie, tant animale que végétale. Mais ça fait combien de flotte, tout ça ? Un petit dessin vaut mieux qu’un long discours.

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Written by gemp

15 mai 2012 at 14 h 18 min

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Avant le déluge

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J'y étais

18 mars 2012, place de la Nation

Je milite pour ce qui me semble adéquat. En l’occurrence, sans être en phase avec la totalité, cette adéquation est pour moi le Front de gauche. Pour cela, j’ai un certain nombre d’arguments raisonnés, dans la mesure de mes connaissances personnelles et de la cohérence de celles-ci avec la propagande (n’ayons pas peur des mots) dudit Front de gauche. Notamment que le « métier » de politique, s’il doit perdurer, doit radicalement changer de nature, de même que celui des financiers. Je ne me prive pas d’essayer de les diffuser, suppléant ainsi de considérables lacunes médiatiques, et le manque de moyens de ce mouvement pour les diffuser.

Je me trouve donc confronté à mon petit microcosme de quelques dizaines de personnes, parfois au hasard des rencontres, dans un milieu très incidemment marqué à gauche, c’est certain, donc peu représentatif de la population globale.

Je passe rapidement sur une petite minorité qui a compris, avec un peu de chance, de quoi il en retourne, prête à voter Front de gauche au premier tour — et qui, pour la plupart, ne sait pas pour le second et qui s’en fout un peu, dont moi.

Le seconde catégorie, tristement majoritaire, est terrorisée par le « Vote Utile » intimement lié à l’horreur de 2002 et soutient aveuglément Hollande. Il est très, très difficile de leur expliquer qu’au vu des intentions de vote et du fait du tout petit nombre de candidats de « gauche », il est pratiquement impossible qu’il n’y en ait pas un de ce label au deuxième tour. Mais bon, impossible n’est pas français, dit-on. Donc ils vont voter contre la droite — certes, comme je l’ai fait pratiquement toute ma vie jusqu’à maintenant (même cette putain de fois, oui).

Le seul vote utile, c'est le tien

Votez utile !

Pas pour Hollande, contre Sarkozy, pour être sûrs. Ensuite ? Bah, ensuite, la vie continue et ça ne peut pas être pire, disent-ils. Le programme, ils s’en foutent, c’est juste que ça ne pourra pas être pire — ce qui n’est pas tellement difficile, quoique pourtant pas certain. À croire qu’on a, comme aux États-Unis, le même bipartisme entre Républicains (l’UMP) et Démocrates (le PS), ce qui n’est pas totalement faux. « Money equals speech » dit-on là-bas (l’argent équivaut à la parole), donc ceux qui ont les moyens peuvent s’exprimer plus que les autres.

Il y a quelque temps, le New York Times avait fait une infographie pour des élections indiquant le (ou rarement, la) gagnant(e) et le montant (déclaré) de sa campagne. J’ai cliqué sur tous les états et, à de très, très rares exceptions près, tous les élu(e)s étaient ceux qui avaient dépensé le plus. Je me garderais bien d’en faire une règle absolue, mais les coïncidences étaient tout de même troublantes.

Et puis il y a les contestataires, qui vont voter Verts ou autres, juste pour faire chier, sachant pertinemment que ça ne va rien changer, simplement pour dire « Moi je ne fais pas comme les moutons, je vote selon mes convictions« . Et c’est vrai que sur un certain nombre de points, je voterais bien avec eux. Simplement, les écologistes français semblent s’être un peu arrêtés à l’écologie et même si l’écologie c’est drôlement important, y’a pas que ça dans la vie (sans parler de leur « accord » avec le PS).

Je suis prêt

Authentique pavé parisien

Et puis, il y a quelques égaré(e)s, qui vont voter Bayrou, on ne sait pas trop pourquoi et eux-même pas tellement plus. Beaucoup estiment, sérieusement, que le Parti communiste français (l’éternel depuis toujours) est responsable (d’une manière ou d’une autre) des horreurs de l’ex-URSS, est pro-chinois et je te parle même pas du Tibet. Ça semble une constante chez les Bayroutistes, un des grands mystères du paysage politique.

Et puis j’en ai, dans mes supposés gauchistes, qui vont voter Marine, du pareil au même, sans rire. Une sorte d’extrémisme simplificateur. Oh, bien sûr, le vote écolo est largement moins coté que celui de Le Pen, mais ça en revient au même, c’est délicieusement et outrageusement contestataire.

Pratiquement tous, même les premiers, n’ont aucune idée de quoi il en retourne. Ils ne savent pas à quoi sert une constituante, ni pourquoi la Ve République n’en a pas bénéficié. Ils sont méfiants dès qu’on utilise des mots autres que « crise », « dette » ou « sécurité ». Ils veulent bien partager, mais pas trop quand même, en s’imaginant que l’impôt sur les riches, le « on prend tout », s’applique aussi à eux. Et puis Mélenchon, il est colérique, hein, ça fait désordre.

Ils vont voter « en leur âme et conscience » en pensant, très honnêtement, que tout va gentiment continuer comme avant. Alors qu’on est après. Après le pétrole, après le capitalisme, après l’internet, après 7 milliards d’humains… et qu’il serait peut-être temps de faire les choses différemment.

Le bouton

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Written by gemp

23 mars 2012 at 15 h 31 min