Archive for the ‘Littérature’ Category
« Venge nous de la mine », Liévin 1974
Je viens de terminer la lecture du dernier livre de Sorj Chalandon, Le jour d’avant.
Il y rend hommage aux 42 mineurs morts à la fosse 3 bis, dite Saint-Amé, de la Compagnie des mines de Lens, le 27 décembre 1974.
A l’époque jeune journaliste de Libération, il avait couvert l’affaire, comme il couvrira la grève des mineurs anglais au début des années 80. « J’ai vécu avec ces gueules noires, on allait bouffer des potages le soir. Dans ce livre, je veux rendre hommage à l’armée des gens simples. »
Dans Le jour d’avant, même s’ils ne sont pas nommément cités (c’est un roman, et non un reportage) les visages des mineurs de Liévin apparaissent pourtant en filigrane.
La solution (finale) à la crise
Je crois vous avoir souvent raconté être fan de séries. Et notamment de science-fiction.
J’avais regardé l’an dernier la série Trepalium sur Arte : dans un futur proche, la population est séparée en deux par un mur, avec d’un côté, la « Zone », avec 80 % de chômeurs misérables et de l’autre, la « Ville » où vivent les 20 % d’actifs, pas franchement joyeux non plus, d’ailleurs, même s’ils mangent à leur faim.
Et aussi, une petite série brésilienne, Les 3 %, l’histoire d’un monde où vivent d’un côté les riches et de l’autre les pauvres. Pour pouvoir accéder au « paradis », les participants d’un « concours » n’auront qu’une seule chance, et se départageront autour d’épreuves où tout est permis pour évincer « l’adversaire », c’est à dire d’autres comme eux. Mais seulement 3% d’entre eux vont réussir. Peut-être.
Évidemment, ça faisait penser à plein d’autres films plus anciens, Hunger games, Bienvenue à Gattaca, ou Soleil vert. Et plus récemment, Elysium.
Tout ça, c’est de la science-fiction, me direz-vous. Oui, mais. Parfois, comme on dit, « la réalité dépasse la fiction ». En tous cas, pourrait bien nous arriver sous peu un monde comme celui de 1984, du Talon de fer et de Trepalium réunis.
Monsieur D.
L’autre jour, mon internet était en panne. Du coup, mon téléphone aussi.
Coup de chance, ici, on est pas en « zone blanche » ou « grise ».
Alors, avec mon vieux téléphone portable (je suis allergique aux aïephones et autres bidules tellement « modernes » que c’est tout juste s’ils ne vous font pas le café, un téléphone c’est fait pour … téléphoner, merde!) j’ai appelé la « hotline ».
M’a toujours fait penser aux Bidochon, comme truc.

Après quelques minutes d’attente (dix minutes, quand même, à 0,34 euros la minute, elle coute un bras, Line) j’ai pu parler à un être humain.
Monsieur D.
Un accent africain à couper au couteau. Évidemment. De la musique dans la voix, pas comme tous les ceusses qui nous causent à la télé, qui n’en ont aucun, eux, d’accent.
Il a tout vérifié, la ligne, tout ça, bref, il a résolu mon problème en trois coups de cuillère à pot, avec gentillesse, efficacité, et tout et tout. Ça marche même mieux qu’avant, dis-donc.
On a fini par se causer gentiment, par rigoler ensemble, en nous appelant par notre petit nom, moi, Monsieur D. et lui, Madame G.
Il avait promis de me rappeler le lendemain, pour pas que je dépense mes sous avec Madame Hot Line, et il l’a fait.
Alors voilà, je me suis fait un copain au-delà de la Méditerranée, et ça m’a fait vachement plaisir. Ça m’est arrivé aussi un jour, en causant avec un gars qui habitait à Barcelone. Ben ouais, j’ai des copains dans tous les pays du monde, sur la terre qui est un astre.
Et sinon, j’ai lu un bouquin admirable, qui parle de plein de Monsieur D, qui viennent de là-bas, en Afrique. Qui viennent avec leurs femmes et leurs gosses. Qui viennent mourir comme des chiens aux portes de la belle Europe, cette vieille salope égoïste qui prétend représenter « les valeurs de l’humanité ». Ce livre parle d’un type banal, comme moi, comme nous tous, qui soudain, ouvre les yeux.
Ça s’appelle L’opticien de Lampedusa.

Vous pouvez toujours écouter son auteur, Emma Jane Kirby, qui en parle sur France Inter.
L’autre invité, c’est Gianfranco Rosi, qui vient de faire un film, Fuocoammare, par-delà Lampedusa.
Le lien est là : L’heure bleue, 5 octobre 2016
Moi, les Monsieur D., je les aime, ils sont plus proches de moi, de nous, que tous ces propres-sur-eux qui prétendent nous gouverner. J’ai ouvert les yeux il y a longtemps.
Pour Houria Bouteldja, lettre ouverte à Serge Halimi
A propos de votre critique (parue dans le dernier numéro du Diplo, et réservée aux abonnés) du livre de Houria Bouteldja Les blancs, les juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire.
Tout d’abord, parler du « petit monde intellectuel et médiatique » au sujet de Houria Bouteldja et de son livre, paru aux éditions La Fabrique (au passage, merci à Eric Hazan pour son ouverture d’esprit) m’a juste fait sourire.
Parce qu’à mon sens, Houria Bouteldja est loin de faire partie de ce monde-là (Eric Hazan non plus) elle y est même plutôt persona non grata. C’est vade retro satanas pour la plupart des gens, même et surtout pour ceux qui ne se sont pas donné la peine de la lire.
En parlant du petit monde intellectuel et médiatique, peut-être évoquiez-vous, outre Pascal Bruckner, tous les autres éditocrates qui, comme la plupart des intellectuels (« de gauche » ou non) auraient pu avoir une (saine?) réaction à ce livre que comme eux, vous n’envisagez que comme une « provocation » (vous employez d’ailleurs ce mot à plusieurs reprises) ce qui est pour le moins réducteur.
Vous titrez votre article « Ahmadinejad, mon héros », c’est au pire une insinuation malhonnête (rejoignant en cela la plupart des critiques de ce livre, mais passons), au mieux une pure contre-vérité au sujet du contenu du livre.
Vous m’avez habituée à autre chose, et je trouve ça dommage. Je tenais donc à vous faire part de quelques remarques.
« L’arbre à pluie » : un album pour petits et grands !
Ce mardi 24 juin 2014 j’ai passé une dernière journée pour l’année scolaire en cours dans une école primaire de mon quartier, en tant qu’animateur bénévole de l’association « Lire et faire lire ». Nous avions convenu, avec les enseignants et enseignantes concernés, que je présenterais à chacun des groupes (6 au total) le même album : « L’arbre à pluie » de Agnès de Lestrade et Claire Degans, édité aux éditions Milan.
Cet album est si beau ─ l’histoire est écrite à la manière d’un conte et les illustrations évoquent magnifiquement l’atmosphère à la fois lumineuse, asséchée et vaporeuse du désert saharien ─ que je ne résiste pas à l’envie d’en faire la promotion ici !
« C’est quoi la question ? »
Il en va de la littérature pour la Jeunesse comme de celle destinée aux adultes : le bon côtoie le moins bon et plus souvent, le pire. Qu’il s’agisse des textes, des thématiques ou des illustrations, les éditeurs et les auteurs de livres pour enfants visent rarement très haut, considérant manifestement les jeunes lecteurs plus comme des consommateurs potentiels que comme de futurs citoyens.
Mais alors, à quoi bon apprendre à lire ? à quoi bon lire des livres, si c’est pour y retrouver la banalité d’un quotidien que d’aucuns s’efforcent de nous présenter tellement « normal », tellement intangible, que beaucoup d’entre nous ne perçoivent même plus l’urgente nécessité d’en changer ?
« Réparer les vivants » (Maylis de Kérangal)
Ce matin, j’ai achevé la lecture de ce roman, en larmes. C’est vrai, je suis très émotif comme garçon, mais tous les romans que je lis ne me mettent pas pour autant dans cet état ! Et puis, j’ai pleuré à cause du sujet principal du récit, certes, mais c’est aussi l’immense et constant plaisir de lecture provoqué par la beauté de l’écriture, qui a fait couler les larmes.
« Grâce et dénuement » d’Alice Ferney
« Deux français sur trois sont contre le retour de Leonarda en France« (sondage BVA/i-télé) ; « le front républicain perd la face devant le front national« (Brignolles) ; « Les Roms harcèlent les Parisiens ! (NKM) » ; « seule une minorité [des Roms] cherche à s’intégrer » … leur « mode de vie » est en « confrontation » avec celui des populations locales. »(Manuel Valls)
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Si, comme moi, les oreilles vous sifflent à force d’entendre le tam-tam médiatique qui désespère, ce roman d’Alice Ferney, édité chez Actes Sud en 1997, vous est vivement conseillé ! En situant son récit au cœur d’une communauté gitane, sans rien nous épargner de l’âpreté, de la dureté, de l’étrangeté parfois, de l’entêtement communautaire aussi de ces gens que l’on dit « du voyage » (même lorsqu’ils se sédentarisent par la force des choses), cette auteure, à l’écriture somptueuse et subtile, parvient à créer une espérance qui redonne foi en l’humain.
« La Vie domestique »
Troisième film d’Isabelle Czajka. Le 1er c’était « L’année suivante »,la colère et l’errance d’une ado de 17 ans ; ensuite, ce fut « D’amour et d’eau fraîche », la difficile insertion dans le monde du travail d’une Bac+5 de 23 ans.
A chaque fois, les compliments pleuvent :
« Très beau film sur l’adolescence et sur le deuil sur fond de société de consommation omniprésente et oppressante… sobre et émouvant avec une jeune comédienne époustouflante ! »(in télérama.fr le 10/02/2007 à propos de « L’année suivante »)
« La peinture fine du monde du travail et d’une société qui n’épargne pas sa jeunesse la forçant à renoncer à ses rêves : un film réussi et le beau portrait d’une fille actuelle. » (in télérama.fr le 12/09/10 à propos « D’amour et d’eau fraîche »)
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A chaque fois aussi, le regard que pose la cinéaste sur ses personnages et leur milieu de vie est sans concession, sans pour autant porter de jugement de valeur. Dans « La Vie domestique » ce sont quatre femmes encore jeunes, « bien propres sur elles », que la caméra nous montre tour à tour, ou ensemble, pataugeant dans une existence saturée d’ennui, frôlant la vacuité…
La seule foi qui vaille : celle de l’homme en l’homme.
Lorsqu’une très bonne amie vous dit : « Tu devrais lire ça ! » en général on s’exécute, sans hésiter. Parfois on peut regretter, bien sûr. Mais la plupart du temps on ne regrette pas et l’on se dit même : « Ce n’est pas mon ami(e) pour rien ! »
Mon amie est une experte du partage, de l’humain qui donne à l’humain, sans compter. Par une sorte de nécessité intérieure impérieuse. Et je l’aime profondément pour cela et pour d’infinies autres secrètes et intimes raisons.
Le livre qu’elle m’a conseillé, « Profanes » de Jeanne Benameur, je l’ai aimé dès les premières lignes, dès les premiers mots, tant l’écriture de Jeanne recèle ce pouvoir magique de vous scotcher là, et de n’avoir qu’une envie, en savoir plus , toujours plus, et d’avancer dans les mots avec délice. D’ailleurs, ce roman de Jeanne Benameur ressemble à mon amie, ou l’inverse, qu’importe.