LES VREGENS

Le MES, kézako ?

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A la demande du gouvernement, qui sent le vent tourner et se dépêche de faire passer des lois scélérates, des textes très importants pour notre avenir vont être votés demain en « procédure d’urgence » par les « représentants du peuple français »… Et pourtant, vous n’en avez guère entendu causer.

Demain, donc, nos députés godillots vont examiner deux projets de loi :

– le projet de loi ratifiant la décision du Conseil européen de modifier l’article 136 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou TFUE.

– le projet de loi ratifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, ou MES…

Mais alors, le MES, kezako ?

Le texte instituant le MES a déjà été adopté par les « représentants » des États membres de la zone euro, c’était le 2 février 2012.  Ce MES va servir, paraît-il, à partir de juin 2013, à faire face à la « crise de la dette ».

Alors, il y a le « MES », mais aussi le « Pacte budgétaire » (appelé Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance ou TSCG) qui a lui aussi déjà été adopté par 25 des 27 chefs d’État européens, c’était le 30 janvier 2012. Ce traité doit être signé très bientôt (le 1 ou le 2 mars) avant la ratification par les différents États signataires.

Et contrairement à ce que d’aucuns prétendent, les deux sont complémentaires : à partir du 1 mars 2013, pour avoir accès aux aides de l’Europe via le MES, les États devront avoir signé  le TSCG. Pas de signature, pas d’aide…

Le MES, donc.

Son siège sera au Luxembourg.  Il aura le statut d’une institution financière internationale,  bénéficiant des mêmes immunités dont jouissent les institutions internationales, et n’aura donc aucun compte à rendre ni au Parlement européen, ni aux parlements nationaux, et encore moins, évidemment, aux citoyens des États membres. Il ne pourra  pas faire l’objet de poursuites. (En revanche, il pourra ester en justice). Ainsi, ses locaux et ses archives sront inviolables. Bref, l’impunité quasi totale… Car en cas de litige, seule la Cour de Justice européenne sera compétente.

Tous les États de la zone euro (qui auront signé le TSCG) seront membres du MES, qui sera dirigé par un collège composé des ministres des finances des États membres,  appelés « gouverneurs ».  Ces gouverneurs désigneront un conseil d’administration. Un Directeur général sera nommé. Le Conseil des gouverneurs sera seul compétent pour toutes les décisions relatives à l’intervention du MES. Le secret professionnel sera imposé à toute personne travaillant ou ayant travaillé pour le MES. Toutes les personnes exerçant une activité au sein du MES bénéficieront de l’inviolabilité de leurs papiers et documents officiels et ne pourront faire l’objet de poursuites en raison des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

Le but du MES est de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous  strictes conditions,  un soutien à la stabilité d’un de ses États membres qui connaîtrait de graves difficultés financières, susceptibles de menacer la stabilité financière de la zone euro. A cette fin, le MES sera autorisé à lever des fonds. Son capital est d’ores et déjà fixé à 700 Milliards d’euros.

Voici ce que ce truc va coûter (pour le moment) à chaque État :

Avec ce traité, les États signataires vont s’engager de manière irrévocable et inconditionnelle à fournir leur obole (conséquente, comme vous le voyez) au MES. Et ils s’engageront aussi, en cas d’urgence, à verser les fonds dans les 7 jours suivant la réception de la demande.

Le MES pourra d’ailleurs décider de revoir les contributions de chaque Etat membre, et cette décision s’imposera automatiquement à tous.


Alors, imaginons cinq minutes qu’un pays ait besoin d’aide… S’il a signé tous les papiers (MES ET TSCG) c’est la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne qui vont évaluer (avec le FMI) les possibilités du pays en question à rembourser sa dette, et décider de quoi il a besoin, pourquoi, et de combien…

Imaginons maintenant que tous ces bons technochrates non élus décident de raquer : évidemment, ce sera toujours sous conditions. Et qui va décider de ces conditions ? Je vous le donne Émile, la Commission européenne, la BCE et le FMI… Sachant que ces « conditions » devront respecter les termes du fameux TSCG…

Ainsi, on est en train en Europe de joyeusement démolir la souveraineté populaire, et disons le, la démocratie, puisque ce sont des institutions dont aucune n’est élue qui vont diriger nos vies.

Alors, concrètement, qu’est-ce qu’on demande à nos élus de signer ?

Normalement, la création du MES implique une modification de l’article 136 du Traité de Fonctionnement de l’UE (TFUE). Cette modification est possible si on recourt à la procédure dite « simplifiée » pour modifier un traité européen, elle a été proposée par la Commission européenne, et adoptée par le Conseil européen le 25 mars 2011.

Elle est formulée comme suit :

A l’article 136, paragraphe 1, du TFUE, le point suivant est ajouté :
Les Etats membres dont la monnaie est l’euro peuvent établir un mécanisme de stabilité pouvant, si nécessaire, être activé dans le but de préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi de toute aide financière en vertu du mécanisme sera soumis à de strictes conditionnalités.

Or, dans le Traité de Lisbonne (TUE), il est écrit, article 48, paragraphe 6, alinéa 3 :

une décision prise sous le régime de la procédure simplifiée ne peut pas accroître les compétences attribuées à l’Union dans les traités.

Pas grave, les défenseurs de ce machin ont trouvé la soluce : ils vous répliqueront, sans rire, qu’ils n’y a pas « accroissement des compétences de l’Union » puisque, dans les formes, le MES ne serait pas une institution de l’Union, mais « indépendant », comme la BCE … Un joli tour de passe-passe, parce que dans les faits, il sera piloté par la Commission européenne et la BCE… Elles aussi « indépendantes », en tous cas de la décision des peuples européens…

D’ailleurs, ne nous y trompons pas, le 17 octobre 2011, Jürgen Stark, économiste en chef de la Banque centrale européenne, estimait devant le Parlement européen  que des institutions fortes et indépendantes au niveau de la zone euro et au niveau national encouragent la transparence et augmentent la pression pour mener des politiques appropriées et pour contrecarrer d’éventuelles tendances à la négligence des règles budgétaires par un État. Et rajoutait : les États membres de la zone euro ne respectant pas les limites du déficit budgétaire et sollicitant l’aide du MES, devront être placés sous « tutelle financière 

Il ressort de tout cela, que ceux de nos « représentants » qui approuveront les deux projets de loi demain à l’Assemblée nationale,  approuveront aussi le TSCG puisqu’ils les deux sont étroitement liés, contrairement à ce que prétend l’inénarrable Hollandréou, qui dit un jour oui , un jour non, le lendemain peut-être, et qui parle de renégocier…

Ce qui prouve une fois de plus combien sont nuls les pingouins qui nous gouvernent et ceux qui prétendent les remplacer … Comme je vous l’ai dit ailleurs, imaginez deux secondes un Sarkozy ou un Hollande discuter économie avec Lordon…

La France sera  le premier pays à engager la procédure de ratification du MES. Faut se dépêcher, dans deux mois, il y a des chances pour qu’on soit débarassé d’un pantin… au profit d’un autre.

Written by Gavroche

20 février 2012 à 16 h 59 min

10 Réponses

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  1. […] (elle est belge mais bon, elle a le droit de se sentir concernée, non?), Eva,  Jocelyne, les vregens, Circé, et même des socialisses, comme Intox2007 ou Gérard Filoche et bien […]

  2. Bon, alors Hollande, il en est où ? Non ? Abstention ? Renégociation ?
    En attendant, qu’il jette un coup d’oeil à ce qui se passe en Grèce et qu’il vienne nous en reparler !
    Quant à l’autre… celui qui aime tant les référendums qu’il fait repasser le Traité de Lisbonne devant les Assemblées d’incapables…
    mpfff… envie de pleurer de rage ;o(

    clomani

    20 février 2012 at 19 h 18 min

  3. J’avais lu aussi que la nouvelle institution ne serait pas attaquable en justice, non?

    florence

    20 février 2012 at 20 h 19 min

    • Exact. Il ne pourra répondre de ses actes que devant la Cour de Justice européenne…

      Gavroche

      20 février 2012 at 21 h 30 min

  4. ou l’art de créer les outils pour confisquer les décisions souveraines des peuples, les gouvernements n’auront plus la main sur leur budget, les services publics les premiers passeront à la trappe, et advienne que pourra!! Nous dans la jungle et les loups dans leur tour d’ivoire!!!

    Michel Chilitopoulos

    20 février 2012 at 21 h 15 min

  5. […] Fuentes: Dos tratados para un golpe de Estado europeo, Raoul Marc Jennar y Sadismo económico, Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, Julio 2012. Imagen: cafemusique.wordpress.com/2012/02/20/le-mes-kezako/. […]

  6. […] Rien d’étonnant, vu que les députés socialistes s’étaient déjà courageusement abstenus lors du vote du « mécanisme européen de stabilité » en février 2012, je vous en avais longuement parlé ici,ici, et là. […]

  7. […] Fuentes: Dos tratados para un golpe de Estado europeo, Raoul Marc Jennar y Sadismo económico, Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, Julio 2012. Imagen: cafemusique.wordpress.com/2012/02/20/le-mes-kezako/. […]


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